EMILIE Tu as voulu cet homme, tu l'as
eu ! Malgré toutes les mises en garde que je t'ai faites ...
JULIETTE Je sais, oui ! Mais je l'aime et je ne supporte pas
l'idée qu'il puisse s'intéresser à une autre femme que moi, tu
comprends ?
EMILIE Ah! l'amour, l'amour ! Quel
bien grand mot ! à la fois tendre et cruel ... Ecoute Juliette,
si j'ai encore un conseil à te donner, c'est bien celui de
diriger tes intérêts ailleurs. oui, tu devrais penser à autre
chose ... je ne sais pas moi, sors, vois du monde !
JULIETTE Moi, penser à autre chose qu'à Richard ? Alors que
toi, tu ne penses qu'à Edouard en ce moment ... Je ne te
reconnais plus, vraiment !
EMILIE Va au moins à la plage ! Tu prendras des couleurs
Bon ! je me sauve !
JULIETTE Tu trouves que je suis pâlotte ?
EMILIE Mais regarde-toi dans une glace ! Allez, à tout à
l'heure,
ma chérie (Elle sort)
JULIETTE A la plage A la plage Je vais y aller, à la plage (Elle
va se changer pour aller à la plage)
Le téléphone sonne. Antoine arrive et répond.
ANTOINE Allo ? Vous êtes chez Mademoiselle Duroc, je vous
écoute ...
(Ton de frayeur) Toi ? mais qu'est-ce que tu fais à
Deauville ? ... Comment ça, en vacances ? ... Et tu n'as pas
trouvé d'hôtel ? ... Mais ... mais ce n'est pas possible, tu
n'as pas vraiment cherché... Quoi ! Que je t'héberge ici ? Il
n'en
ai pas question.Et d'abord, comment as-tu trouvé mon
adresse". Par l'agence ? oui, je vois ! ... mais non, c'est
impossible, n'insiste pas, je ne peux pas te recevoir ici !
D'abord, ce n'est pas un hôtel et ensuite, je travaille dans
cette maison, tu comprends ? ... Mais non, je ne te laisse pas
tomber Ecoute ... Je suis bien ici et j'ai l'intention d'y rester
jusqu'à fin août. Tu n'as qu'à te rendre à l'office du
tourisme ! et m'appeller quand tu auras trouvé un hôtel ! Ce
n'est pas si compliqué que ça, tout de même ! Comment ça,, tu
es déjà là ? ... Que ... que je regarde par la fenêtre ? Quoi
? ... Tu es dans la cabine téléphonique qui est ... qui est en
face ! (Il se dirige vers la fenêtre) Non, ce n'est pas
vrai ! Mais enf in, tu ne peux pas me faire ça ! (Silence).
On a bouclé ! Mon Dieu, mais qu ... mais qu'est-ce que je vais
faire ? (il court, affolé, dans tout le salon, va de la
fenêtre à la cuisine, faisant des mouvements désordonnés ...
) Je rêve, je rêve! C'est un cauchemar ! ... Je vais me
réveiller ... il le faut(Il se tape comme pour se
réveiller) oui, je vais me réveiller
Richard arrive des chambres au salon et surprend Antoine
RICHARD Eh bien, Antoine, vous avez la danse de Saint-Guy, ma
parole ?
ANTOINE (S'arrêtant net, redevenant l'homme posé) Non,
Monsieur ! Je m'exerçais, c'est tout !
RICHARD Vous vous exerciez ?
ANTOINE oui, pour la soirée que Mademoiselle Emilie donnera à
l'occasion de son anniversaire ...
JULIETTE Très bien ... alors vas-y
RICHARD Pour la discussion ... ce n'est pas la peine de
m'attendre On peut remettre ça, non ? Tu ne devais pas aller à
la plage ?
JULIETTE oui, en effet ! Mais ... j'aimerais que nous ayons une
conversation sérieuse, toi et moi, et ce n'est jamais le moment
Tu trouves toujours une excuse pour te débiner.
RICHARD (pressé) Ecoute Juliette, on en reparlera,
d'accord ? Va à la plage, ça te fera du bien !
JULIETTE (Fâchée) Très bien, très bien, j 1 ai
compris ! Je m 1 en vais (Elle sort)
Attention : prévoir changement de rôle assez rapidement.
Même comédienne, mais Alexandra (lunettes, etc.) .
RICHARD ouf ! J'ai eu chaud ! ... Lola, à nous deux ! (Il
entre dans la salle de bain)
Antoine, qui avait disparu, réapparaît discrètement, alors
que tout est calme. Il observe attentivement les lieux avant d'y
pénétrer. Puis il fouille le salon partout.
ANTOINE Rien à signaler, on dirait
Tout à coup, la sonnette retentit et le fait sursauter
oh! mon Dieu '! J'ouvre ... ou je n'ouvre pas ... Non, je ne peux
pas faire ça à Mademoiselle Emilie ... Il va ouvrir. C'est
Mickey, son ami travesti qui l'avait appellé juste avant. Il est
habillé en fille, porte une perruque et il est maquillé à
outrance.
ANTOINE Mickey ! Je t'avais pourtant dit ...
MICKEY (Parlant comme une fille et pénétrant à l'aise dans
le salon, lui coupe la parole) Je sais' mon Loulou, mais je
n'ai quand même pas fait 500 kilomètres pour t'entendre dire
que je dois repartir aussitôt ! ... De toute manière, c'est
impossible ! parce que ma voiture est tombée en panne
ANTOINE En panne, déjà ?
MICKEY oui, c'est le carburateur ... il doit être noyé ! Il est
comme moi, il ne supporte pas la chaleur ! (S'asseyant et
fouillant dans son sac) Tiens ! Je t'ai apporté de la
cancoillotte... Tu l'aimes toujours, j'espère ?
ANTOINE (Attendri) Bien sÛr ! mais tu sais ici, on
mange plutôt du camembert ! ... Mickey ... il faut absolument
que tu cherches un hôtel, je ne peux pas te garder dans cette
maison
MICKEY Même pas pour une nuit ?
ANTOINE Non ! même pas pour une nuit, je suis désolé
MICKEY Très bien, dans ce cas ... je vais prendre un peu
d'avance ... Ce voyage m'a épuisé ! (Il s'installe
confortablement sur le divan, prêt à dormir) oh! mais ils
sont durs ces coussins ! Enfin, c'est quand même mieux que les
sièges de la voiture. (il ferme les yeux)
ANTOINE Mickey, tu ne peux pas .... (trop tard ! Mic-key
s'est endormi)
ANTOINE (Réfléchissant) Il faut que je trouve une
solution ... je pourrais peut-C-tre le garder une nuit, une seule
nuit . Mademoiselle Emilie n'en saura rien. Il est tellement
f@'tigué, qu'il dormira jusqu'à l'aube.
Antoine essaye de prendre Mickey sur ses épaules pour
l'emporter dans sa chambre, mais au même instant, surgit
Alexandra
ALEXANDRA Mais que se passe-t-il ici ?
Antoine est tellement surpris, qu'il laisse tomber lourdement
Mickey sur le divan. Celui-ci se réveille, appeuré, sa perruque
de travers.
MICKEY (Criant) Au secours ! Au secours ! Je suis tombé
! Aie (Voyant Alexandra, il essaye de remettre sa perruque)
Ne me touchez pas ! j'ai rien fait !
ALEXANDRA (Scandalisée en voyant Rickey) Voyons,
Antoine, qui est ce ... cette . . . . (sèchement)
enfin, je veux dire ... ce personnage 7
ANTOINE (Gêné, bégayant) Mais ... c'est ... c'est ...
c'est le nouveau traiteur ! (Voyant que Mickey a remis sa
perruque) Oui, enfin ... le.... la ... la femme du nouveau
traiteur... Justement, il heu ... elle ... elle a eu un malaise
Mickey se prenant au jeu lui fait un joli sourire.
MICKEY (Voix de fille toujours) oh! mais maintenant ça
va mieux, beaucoup mieux ! (Regardant Antoine) Hein, mon
Loulou ? Richard, attiré par le bruit, sort de la salle de bain,
seul, y laissant Lola qui lui-a collé un immense baiser plein de
rouge à lèvres sur-la joue. Bien entendu, cela surprend
Alexandra
ALEXANDRA Richard, vous ici ? Je vous croyais à la plage avec
Juliette
RICHARD (Mentant) Non, el le est partie toute seule je
ne pouvais pas l'accompagner parce que ... je prendre un bain ...
heu ... avant d'aller faire une partie de tennis !
ALEXANDRA Un bain ? à cette heure-ci ? et avant une partie de
tennis Et comment se fait-il que vous ayez les cheveux secs, mon
cher Richard ? Et pouvez-vous m'expliquer quelle est cette
immense marque rouge sur votre joue ?
RICHARD (Portant la main au visage, mais du mauvais côté ;
il ne sait pas qu'il a du rouge à lèvres de l'autre côté)
J'ai dû me blesser en sortant de la baignoire ... oui, j'ai
glissé et je me suis cogné Voilà, c'est aussi simple que ça
Mickey rit.
ALEXANDRA Il se passe des choses bizarres dans cette maison ...
et tante Emilie qui fait la sourde oreille et qui ne voit rien
... Je ne suis pas sourde, moi, ni aveugle ! (Elle s'en va)
RICHARD (A Antoine) Elle a un de ces caractères, ma
belle-soeur Mais dites-moi, Antoine, vous avez de la visite, on
dirait
ANTOINE Oh! non, non ! C'est ... c'est la femme du traiteur !
Elle est venue ici m'apporter des ... de ... (puis voyant le
pot de cancoillotte resté sur la table) de la cancoillotte
... et ... tout à coup, elle ... heu, elle a eu un malaise et
elle s'est évanouie sur le divan, voilà !
RICHARD (Riant) De la cancoillotte ! Décidément,
Antoine, vous me surprendrez toujours !
MICKEY (Se levant) Bon, eh ben ... je crois que je vais
aller me refaire une beauté ... je suis toute décoiffée !
Quelqu'un pourrait-il me dire où se trouve la salle de bain
ANTOINE (Montrant la porte du doigt) CI est par là !
RICHARD (Mentant) Non, c'est pas là ! C'est par là ...
(Il montre le couloir des chambres)
MICKEY C'est là ou c'est pas là ?
ANTOINE oui, c'est là !
RICHARD Non,, c'est pas là ! C'est ailleurs
ANTOINE Mais Monsieur ... je ne suis pas fou
RICHARD Ecoutez, Antoine ... (Essayant de faire diversion)
Madame aurait peut-être besoin d'un petit verre de Calvados pour
se remonter, vous ne croyez pas ? Ici, en Normandie, le Calvados
est excellent ! Vous verrez ... (s'adressant à Mickey)
ANTOINE oui, quelle bonne idée ! Je vais aller lui en chercher
un à la cuisine ... (Il se rend à la cuisine)
MICKEY Du calvados ? Mais je déteste ça ! C'est trop fort pour
moi Vous savez ce que j'aime d'habitude ? ... une petite liqueur
de prunelle ... c.lest mon péché mignon ! ... Dites-moi, cher
Monsieur, vous habitez ici ?
RICHARD oui ... enfin', non ! Je n'y suis qu'en vacances ! (Puis,
essayant de se débarasser de Mickey) Ecoutez ... vous
devriez vous rendre à la cuisine et demander à Antoine de vous
préparer autre chose qu'un Calvados !
MICKEY Mais oui, vous avez raison. J'y vais de ce pas ... (Il
se dirige vers la cuisine en, se dandinant puis il se retourne
vers Richard) Vous êtes trop chou,'vous, alors ! (il
lui envoie un baiser bruyant. avant de disparaître à la
cuisine)
Richard va chercher Lola à la
salle de bain.
RICHARD Lola, tu peux sortir maintenant ... la voie est libre !
Allez, dépêche-toi !
Lola apparait toute décoiffée, sa robe mal ajustée, un
soulier à la main qu'elle enfile sur scène.
LOLA Alors, mon biquet, on se voit quand même ce soir ?
RICHARD Bien entendu ... allez file
Il lui ouvre la porte pour qu'elle s'en aille. Avant de partir,
elle lui
colle un autre baiser sur l'autre joue.
LOLA (Voix suave) A tout à 1 1 heure, mon amour (Elle
sort)
RICHARD C 1 est ça ! (Puis, soupir de soulagement) ouh ... il
était temps Bon, je vais aller préparer mes affaires de tennis
... Je me sens dans une forme ! (Il se rend dans sa chambre)
Mickey et Antoine sortent de la cuisine. Mickey porte un petit
verre à la main.
ANTOINE Une nuit, hein, pas plus ... et demain matin, tu partiras
à la première heure; il ne faut absolument pas que Mademoiselle
Emilie te trouve ici ! (Puis, se dirigeant vers les chambres)
Attends-moi là, je reviens dans cinq minutes ... (il
disparaît)