Extrait pris dans l'acte 1 (Les
retrouvailles) :
(Arrive Claire de Latouche Tréville, déjà en tenue de plage,
mais encore
bronzée, chapeau de soleil, lunettes, sac de plage comprenant
son portable.)
ANAIS (à Marina) Tiens, mais c'est notre riche héritière !
CLAIRE (arrivant en se dandinant, exubérante, comme à
l'accoutumée) Hello tout le
monde ! C'est moi ! Claire de Latouche Tréville, veuve du comte
ANAIS (lui coupant la parole) Philippe de Latouche Tréville, je
sais
Fille du
comte de LARIBOISSIERE et cousine du marquis de LA JONQUIERE
!Vous voyez
je n'ai pas oublié ! Vous avez fait bon voyage ?
CLAIRE (s'asseyant) Im
pe
ccable ! Je me suis
offert la business class ! Le top !
ANAIS (parlant snob comme elle) Vous n'avez pas volé en first
class ?
CLAIRE Non, malheureusement, j'ai réservé trop tard. Mais peu
importe ! L'essentiel est que l'avion ne soit pas tombé,
n'est-ce pas ?
ANAIS Oui, bien sûr ! Mais rassurez-vous, il y a moins de risque
de prendre l'avion
que de rouler en voiture !
MARINA Vous voulez boire qualcosa ?
ANAIS (soupir) Ah! Marina
Vous auriez dû prendre des
cours de français avant de venir ici !
MARINA Ma
ici on parle surtout inglese, vous savez !
CLAIRE (faisant la maligne) One coke , please ! Do you speak
English ?
MARINA Si, si ! Heu
Yes, yes ! C'est Bruno qui me donne
les leçons !
ANAIS Que feriez-vous sans lui ?
MARINA Niente, lo so ! Ma
c'est kif, kif
hein !
(elle sert la boisson à Claire)
(Arrivent le bègue et la timide, en voyage de noces et tenue de
voyage.)
MARINA (les apercevant) Hello, les amoureux ! Come va ? Vous avez
trouvé votre chambre ?
LE BEGUE N
non ! Heu
Bon .. bon
! Bon
bon
! Bonjour ! Tou
tou
MARINA Vous avez pris le toutou ? Ah! non ! Ça, ça va pas, hein
! Ici, les chiens c'est pas autorisé !
Je vous l'ai dit, non ?
LA TIMIDE Heu
oui, oui ! Mais, non, non ! Heu
nous
nous n'avons pas de
de chien !
MARINA Alora, tutti va bene ! Vous avez fait un bon voyage ?
LE BEGUE Un bon
bon
MARINA Non, j'en ai pas des bonbons ! Je peux vous servir à
boire, si vous voulez !
ANAIS Marina demande si vous avez fait un bon voyage !
LA TIMIDE Heu
oui, merci ! Mais nous sommes un peu
fa
fatigués ! Remarquez heu
c'est normal !
Car nous n'avons pas
pas fermé l'il de la nuit !
LE BEGUE Ah ! ça, ça
Ah! ça, ça
ssss
c'est
(abandonnant) Ouais !
LA TIMIDE Heu
Bernard et moi sommes en voyage de noces !
ANAIS Mes félicitations ! C'est une bonne nouvelle !
LA TIMIDE Merci ! Heu
c'est grâce
. heu
à
vous qu'on
qu'on s'est rencontrés !
ANAIS J'en suis ravie !
CLAIRE Toutes mes félicitations
Madame et Monsieur heu
LA TIMIDE Fer... !
LE BEGUE Bé
bé
MARINA Le bébé, il est déjà en route ? Ah! Ça c'est
autorisé, hein !
LA TIMIDE Heu
non ! (faisant les présentations) Bernard
et Lucie
FER !
CLAIRE (sourire narquois) Bernard et Lucie Fer ? Ah bon !
MARINA Moi, je le savais déjà ! Benvenuto aux heureux mariés !
Je vous ai préparé una bella camera !
Avec balcon, vue sur l'océan
et tutti quanti !
LA TIMIDE C'est
heu
c'est vraiment trop
trop
gentil, hein Bernard ?
LE BEGUE Mémé
mémé
.
MARINA Mais si !
LE BEGUE Mémé
mémé
merci ! Mama
mama
Madame !
MARINA Pas de quoi ! C'est normal, hein ? Tous mes clients sont
les bienvenous !
(Marina part avec eux.) Andiamo ! Je vais vous montrer votre
chambre !
ANAIS (soupir) Ça me fait drôle d'entendre ça !
CLAIRE D'entendre quoi, très chère ?
ANAIS Que Marina dise "mes clients" ! Il y a une
année, c'étaient les miens, de clients !
CLAIRE Assurément ! Mais vous n'avez pas tout perdu
Je
suis encore votre cliente, moi !
Puisque je viens de renouveler mon contrat !
ANAIS Oui, c'est vrai ! Je n'ai pas encore réussi à vous faire
rencontrer l'âme sur.
Je vous l'avais bien dit que ce serait difficile !
CLAIRE Oh! ce n'est pas le plus important finalement, vous savez
! Ce qui compte davantage pour moi,
c'est que je m'amuse comme une petite folle ! Tenez
Le
premier homme que vous m'avez présenté
.
Vous vous en souvenez ?
ANAIS Heu
CLAIRE Mais oui ! Il était tout petit, chauve, avec des lunettes
rondes, un ventre
qui lui tombait sur les genoux !
On ne peut pas dire que c'était un Apollon !
ANAIS Non
(pour elle) mais vous n'êtes pas non plus
Vénus !
CLAIRE Je vous demande pardon ?
ANAIS Non, je disais
(fort) Mais il avait des titres de
noblesse !
CLAIRE Cela ne veut plus dire grand-chose de nos jours
ANAIS Ah! Je croyais que
CLAIRE (lui coupant la parole) Détrompez-vous, très chère !
Les temps ont changé !
J'ai des amis qui ont conservé leur titre mais qui sont
complètement fauchés !
Et j'en ai d'autres, qui, sans avoir de titre, ont fait fortune
grâce à Internet ou à leur débrouillardise
Certains sont même fils d'émigrés !
ANAIS Cela ne vous dérange pas de les fréquenter ?
CLAIRE Non, absolument pas ! Du moment qu'ils font partie de la
JET SET !
ANAIS Evidemment ! (pour elle) Suis-je bête
CLAIRE Qu'est-ce que je vous disais déjà ?
Ah oui ! Ce
Monsieur - qui était fort charmant d'ailleurs -
eh! bien
je ne l'ai fréquenté qu'une seule fois ! J'ai
tout de suite compris que ce n'était pas un homme pour moi !
Il ne s'agit pas d'une quelconque attirance physique ou pas
Mais figurez-vous, très chère,
que le pauvre homme était allergique aux poils de chats et de
chiens !
ANAIS Ah, bon ? Il ne m'avait rien dit à ce propos
CLAIRE Il faudra encore améliorer quelque peu votre
questionnaire ! C'est un conseil, chère amie !
ANAIS J'y penserai.
CLAIRE Donc, j'ai préféré en rester là. Kiki n'aurait pas
apprécié que je le remplace, vous pensez bien !
Lui et moi
c'est le grand amour ! D'ailleurs, aucun homme
ne pourra jamais le remplacer !
ANAIS Kiki ?
CLAIRE Oui, mon Yorkshire !
ANAIS Ah oui ! Bien sûr ! J'avais oublié
(Arrive Suzuki, torse nu, vêtu uniquement d'un bermuda et
portant un appareil de photo autour du cou; il cherche Anaïs
)
CLAIRE Mais
Il me semble que j'ai déjà rencontré ce
Monsieur dans votre agence !
ANAIS (reconnaissant Suzuki, voulant l'éviter) Oh non ! Suzuki !
Mon Dieu
mais qu'est-ce qu'il vient faire ici ?
(elle cache son visage, en vain
)
CLAIRE Comme moi ! Des vacances, je suppose ? Votre petite bonne
nous a tellement fait la réclame pour son hôtel,
que tout le monde débarque ici !
SUZUKI (se dirigeant vers Anaïs et se penchant vers elle pour la
saluer)
Kone - nitchi wa ! Kone - nitchi wa ! Oguène - ki desse ka !
(traduction : Bonjour ! Bonjour ! Comment allez-vous ?)
CLAIRE Et moi, alors ! On ne me dit rien ?
SUZUKI Vous
déjà rencontré dans avion ! Moi venu ici
pour parler avec jolie dame de Paris !
Pas avec
(réfléchissant) parasite !
CLAIRE (outrée) Oh! Mais vous avez entendu comme il me traite ?
Cet homme est cinglé !
SUZUKI Moi pas cinglé ! Japonais ! Gentil japonais
amoureux de jolie dame de Paris !
CLAIRE (énervée) Oui, eh bien ! la jolie dame de Paris, elle
vous em
(elle n'ose pas dire la suite)
ANAIS Laissez tomber Claire ! Je dois régler ce problème toute
seule ! Cela fait bientôt une année qu'il
me fait une cour démesurée ! Il faut absolument que cela cesse,
sinon je vais devenir folle !
CLAIRE Je vous souhaite bon courage ! (finissant son coca cola)
Moi, je me retire !
Je ne vais pas rester une minute de plus à côté de cet
éberlué ! (se levant)
A plus tard, très chère ! (Elle s'en va
) Je vais faire
une petite brasse à la piscine,
cela me détendra ! Surtout ne vous laissez pas faire ! (elle
disparaît)
SUZUKI Moi, pas éber
lué ! Japonais ! Gentil japonais !
ANAIS (ferme) Suzuki ! Pourquoi êtes-vous venu jusqu'ici ? Pour
des vacances ou pour me voir uniquement ?
SUZUKI Suzuki pas fou ! Venu faire les deux !Vacances dans beau
pays tropical et chercher kanaï !
ANAIS Chercher kanaï ?
SUZUKI Oui
femme
femme ! Suzuki pas vouloir autre
femme que vous, jolie dame de Paris !
ANAIS Voyons Suzuki ! Il y a plein de jolies dames à Paris ! Je
vous en ai présentées, d'ailleurs ! Pourquoi moi ?
SUZUKI (entreprenant) Vous
pas comme les autres ! Vous
exceptionnelle ! Comme le soleil levant !
Beaux cheveux
Beaux yeux
Belles dents
Joli
sourire
Peau de nacre
Belle jambes aussi ! Sougoï
! (tr.: super!)
ANAIS Mais
Mais arrêtez de me tripoter comme ça ! Vous
êtes malade ou quoi ?
SUZUKI (signe de tête de haut en bas) ïè ! ïè ! (traduction
: Non ! non !) Suzuki très amoureux de vous !
ANAIS Oui, mais moi je ne suis pas amoureuse de vous ! Et je vous
l'ai déjà dit !
Je suis vraiment désolée Suzuki
Allez vous reposer, vous
devez être très fatigué, non ?
SUZUKI Suzuki jamais fatigué ! Vouloir prendre photo de vous
onègaï chimasse ! (traduction : s'il vous plaît !
ANAIS (énervée) Non, non et non ! Suzuki, arrêtez ! Je ne veux
pas être prise en photo ! Est-ce que c'est clair ?
SUZUKI (insistant) Vous très jolie ! (Comme Anaïs se cache le
visage, il lui prend les jambes en photo,
car on les voit dépasser de son paréo et Suzuki en profite.)
ANAIS Bon, cette fois ça suffit ! Je vous demande d'arrêter !
(Mais il continue
)
SUZUKI Petit souvenir
Suzuki aimer vous ! Photos, précieux
souvenirs ! Moi pas partir sans rien !
ANAIS (essayant encore une fois de le résonner) Voyons Suzuki,
vous êtes jeune, dynamique !
Profitez de vos vacances pour vous trouver une autre femme que
moi ! Il y a tant de jolies filles !
Je suis trop vieille pour vous !
SUZUKI Moi pas vouloir autre femme ! Vous
belle
intelligente
cultivée ! Suzuki aimer ça !
ANAIS (perdant patience) Bon, si vous ne voulez pas entendre
raison, je préfère me retirer !
Vous me gâchez mon après-midi ! (Elle fait mine de partir.)
SUZUKI ïè ! ïè ! Suzuki partir ! Vous rester ! Moi aller
boire Kòtcha ! (tr.: thé nature)
ANAIS C'est déjà l'heure du thé ?
SUZUKI (se retirant) Haï ! haï ! (tr.: Oui ! oui !) Dòmo !
Dòmo ! (tr.: Merci, merci !)
Suzuki content ! (montrant son appareil photo) Précieux
souvenirs !
(riant tout en reculant
.) Hi, hi, hi ! Jolie dame de Paris
belles jambes !
Hi, hi, hi ! Très belles jambes ! (Il disparaît.)
ANAIS (soupirant) Ouf ! Bon débarras ! Quel pot de colle
celui-là alors !
(Voilà Honoré qui arrive, en tenue de Masaï, tissu bleu
turquoise recouvrant
les genoux jusqu'à mi-mollets, grand tissu rouge sur l'épaule
descendant
par-dessus ceinturé par un bout de tissu jaune. Colliers,
bracelets aux bras
et aux chevilles, lance, etc. Si trop compliqué, habillé
uniquement d'un tissu rouge
mais plus joli en trois couleurs
. Il porte un choix de
bijoux masaïs.)
HONORE Jambo ! Habari ?
ANAIS (toute contente) Jambo Honoré ! Ah! je suis bien contente
de vous voir !
Mais
que faites-vous en tenue de Masaï ?
HONORE Je suis allé sur la plage vendre des bijoux masaïs pour
me faire un peu d'argent !
ANAIS Je peux les voir ?
HONORE Akuna matata ! (Il montre son paquet de bijoux à Anaïs.)
Vous pouvez aussi acheter à Honoré !
Pas cher ! Pas cher !
ANAIS Ils sont très jolis ces bijoux !
HONORE Ah oui ! Ils sont très, très jolis ! Ce sont de
véritables pierres précieuses !
Elles viennent du district de Samburu (prononcer : Sambourou) ,
là où je suis né !
ANAIS Combien coûte ce collier ?
HONORE Mille shillings !
ANAIS Mille shillings ! C'est cher ! Et ce bracelet
il
coûte combien ?
HONORE Combien vous me donnez ? Dites-moi un prix !
ANAIS Je ne sais pas heu
200 shillings !
HONORE 200 shillings ? Je vous le vends 300, c'est mon dernier
prix ! Un prix d'ami !
ANAIS Je vous les achète tous les deux pour 500 shillings, ok ?
HONORE D'accord ! Je suis d'accord ! Honoré très content de
faire plaisir à Madame Anaïs !
ANAIS (sortant des billets de son sac de plage) Voilà 500
shillings !
HONORE Asante sana ! Honoré encore beaucoup de bijoux à vendre
Si vous voulez, je peux revenir plus tard !
ANAIS (riant) Non, non ! Merci beaucoup Honoré, ça ira comme
ça ! N'oubliez pas que nous devons bientôt
assister au baptême de Valentin, le fils de Sophie et Guillaume.
Je vous rappelle que vous êtes
le parrain et moi la marraine !
HONORE Ah! oui, je le sais ! Et c'est pourquoi je dois gagner un
peu d'argent ! Il faut que j'achète des vêtements du dimanche !
ANAIS En effet, ce serait préférable !
(Arrivent les parents de Sophie, Germaine et Louis Robiquet.)
GERMAINE (toujours râleuse) Oui, je suis contrariée ! Je ne
comprends pas ma fille et mon beau-fils !
(montrant Honoré) Avoir pris cet énergumène pour parrain !
C'est un comble !
LOUIS Voyons Germaine ! Tu vois bien que tu lui fais de la peine
!
GERMAINE M'en fous ! Je dis ce que je pense, voilà !
LOUIS Pense tout bas, ça vaut mieux !
GERMAINE Tais-toi, tu me fatigues !
ANAIS Voyons, Madame Robiquet ! Honoré n'est pas ce que vous
croyez ! C'est un homme charmant et plein de tact !
GERMAINE Un homme ? Vous appelez ça un homme ? Un sauvage, oui !
Regardez dans quel accoutrement il s'est mis
LOUIS Mais
on est au Kenya, on est pas à Paris. Il fait
chaud ici ! Et pis
je trouve que ça lui va bien, moi, ce
costume !
HONORE Présentement, je suis un peu gêné que vous soyez
contrariée par ma faute ! Mais, foi de Honoré,
je puis vous assurer que je vais acheter un beau costume du
dimanche pour le baptême, avec une belle cravate et des
souliers tout brillants !
ANAIS Vous voyez ! Il suffit de le connaître un peu et vous
changeriez d'avis !
GERMAINE Oui, bien sûr ! Vous, c'est normal, hein ? Vous le
soutenez, c'est votre client !
ANAIS Honoré n'est plus mon client, mais nous sommes restés
amis, car je l'apprécie beaucoup !
GERMAINE Forcément ! L'exotisme, hein ?
LOUIS Germaine, tu y vas un peu fort !
GERMAINE Tais-toi Louis ! Je dis ce que je pense !
LOUIS Oui, mais
(signe avec la main de calmer le jeu)
calme, calme !
(Bruno est revenu derrière le bar et écoute d'une oreille les
conversations.)
GERMAINE En plus, je suis sûre qu'il n'y comprend rien à notre
religion !
ANAIS Mais
il s'est converti au catholicisme, ce n'est pas
rien, tout de même !
GERMAINE De la poudre aux yeux , oui !
HONORE Détrompez-vous ! Honoré beaucoup appris sur histoire des
blancs
Honoré intelligent et très curieux !
GERMAINE Curieux et malin comme un singe, oui !
LOUIS Germaine ! (signe avec la main de calmer le jeu)
ANAIS Bon ! Si nous parlions sérieusement ! Le baptême de
Valentin doit avoir lieu samedi prochain,
c'est bien ça ? Où et à quelle heure exactement ?
(Entre temps, arrive Sophie qui répond à la question.)
SOPHIE Tout est chamboulé ! Je viens de recevoir un appel de
Guillaume !
GERMAINE Chamboulé ! Que veux-tu dire par là ?
SOPHIE Je suis désolée, mais il y a un petit changement de
programme. Le baptême de Valentin n'aura pas
lieu ici comme prévu, mais à Bornéo, dans une dizaine de
jours, le temps de prévenir le curé et les parents
de Guillaume !
GERMAINE Quoi ? A Bornéo !
LOUIS A Bornéo ?
HONORE Je ne sais pas où se trouve Bo
néo ! En tout cas,
je ne crois pas que ce soit ici au Kenya !
GERMAINE Quand je vous disais qu'il était ignare, celui-là !
LOUIS Germaine, ça suffit !
...
Autre extrait de l'acte 1 :
MARINA C'est orribile ! Ma
perché ils ont fait ça ?
ANAIS Sans doute craignaient-ils l'intrusion des blancs
C'était aussi une coutume fréquente à cette époque !
Pas seulement avec les étrangers, mais aussi entre eux, face aux
tribus ennemies. Et puis, offrir une tête
humaine aux Dieux était un devoir religieux !
GERMAINE Quand je vous disais que c'étaient des sauvages là-bas
!
SOPHIE Oui, mais c'était il y a longtemps !
ANAIS Attendez
je n'ai pas fini ! Il y a pire !
GERMAINE Ah non ! Ce n'est pas possible !
ANAIS Si, malheureusement !
LOUIS Arrêtez avec ces histoires, ma femme est cardiaque !
GERMAINE Tais-toi Louis, j'ai le droit de savoir ! Alors
racontez !
ANAIS C'est vraiment curieux, mais j'ai rencontré ici un homme
qui m'a dit avoir été à Bornéo il y a une dizaine d'années.
MARINA Et alora ?
(Mince !
Voilà le portable de Claire qui sonne
)
GERMAINE Oh non ! Arrêtez-moi ça ! C'est pas le moment !
CLAIRE Veuillez m'excuser ! (Elle répond quand même.) Allo !
Claire de Latouche Tréville !
Marie-France ! C'est toi ?
Bonjour très chère !
Oui, je suis bien arrivée !
Non, il n'y a
pas eu de retard !
Oui, je suis un peu fatiguée, mais tout
va
bien !
Rassure-toi !
Ah oui, il fait très beau ici !
Ciel bleu, petite brise
c'est le pa
ra
dis !
Comment va mon petit Kiki ?
Quoi, il a la diarrhée
?
GERMAINE Mais on s'en fou ! (soupir) Oh !
CLAIRE Tu lui as bien donné les croquettes que je t'ai laissées
? Il ne faut surtout pas lui donner autre chose !
Il a l'ennui
oui, c'est sûrement ça !
GERMAINE (impatiente) Abrégez ! S'il vous plaît
!
CLAIRE Tu n'as pas oublié de lui donner sa petite pastille tous
les jours à la même heure ?
Ah bon ! Je suis rassurée ! J'espère que tu n'as pas oublié
non plus la crème pour ses petites papattes,
comme je te l'avais expliqué ?
Ah, c'est bien ! Et
les gouttes pour ses oreilles ?
Ah, tant mieux !
Oui, c'est ça
il faut le cajoler, le prendre dans tes
bras !
GERMAINE Oh, mais c'est pas vrai ! Ça dure, ça dure !
LOUIS Chut ! Germaine ! Un peu de patience !
CLAIRE Comment ?
Tu le laisses dormir au salon ?
Mais c'est pour ça qu'il pleure ! Il faut le prendre dans ton
lit !
Il a l'habitude de dormir avec moi, au pied du lit, tu le sais
bien, non ?
Ton mari ne veut pas ? Oh,
c'est embêtant ! Tu veux bien me le passer pour que je lui dise
un petit bonjour ?
GERMAINE Je rêve ! Mais je rêve !
CLAIRE Non, pas ton mari
mon Yorkshire !
GERMAINE (soupir) Pff !
CLAIRE Bonjour mon petit Kiki, c'est maman !
Je te fais un
gros, gros bisou ! (Bruit du bisou.)
Tu m'entends ?
(Bruit du bisou à nouveau.)
LOUIS Il vous entend, mais je doute qu'il puisse vous répondre !
GERMAINE Qu'on en finisse, s'il vous plaît !
CLAIRE Bon ! Maman va te laisser ! Il y a du monde qui
s'impatiente autour de moi !
Allez ! (Bisou à nouveau.) A bientôt mon chéri ! Je
t'appellerai, c'est promis !
Allo ? Marie-France, tu es encore là ?
GERMAINE Non, elle n'est plus là !
MARINA Ma
il faut la laisser causer, hein ! On peut
attendre, non ?
CLAIRE Je te remercie in
fi
ni
ment ! Kiki
n'oubliera jamais ! Au revoir, très chère !
Ah! Tu veux bien me passer ton mari ?
GERMAINE (se levant) Bon ! Puisque c'est comme ça, je m'en vais
!
SOPHIE Reste, maman ! On est en vacances, il n'y a pas le feu !
CLAIRE Ah! Il vient de partir ! Bon, eh bien !
A une
prochaine fois ! Au revoir !
Oui, c'est ça ! Au revoir très chère ! A bientôt !
Heu
non, non ! Ce n'est pas nécessaire,
il a déjà été traité contre les vers !
GERMAINE Je vous laisse ! Vous me raconterez la suite !
SOPHIE (retenant sa mère) Mais attends un peu ! Assieds-toi !
Elle a bientôt fini !
CLAIRE L'adresse du vétérinaire ? Je te l'ai donnée, non ?
Tu ne la trouves plus !
Regarde dans le petit Tuperware rose que j'avais posé au fond du
panier
oui, c'est ça !
Tu l'as trouvée ?
Ah, bon ! Tu me rassures !
A bientôt Marie-France !
Je t'em
brasse !
Oui
c'est ça ! Je te
donnerai de mes nouvelles tous les jours ! Embrasse bien Kiki
pour moi !
Allez
au revoir ! (Elle boucle.)
GERMAINE Bon, on en était où ?
ANAIS Je disais que j'avais rencontré ici un homme qui avait
été à Bornéo il y a une dizaine d'années seulement.
MARINA Et alora ?
ANAIS Alors ! Il m'a assuré qu'il existait encore quelques
tribus restées sauvages, dans la jungle profonde
MARINA C'est vrai ?
ANAIS Et que ces tribus animistes pratiquaient toujours leurs
coutumes ancestrales !
SOPHIE Je trouve ça intéressant ! C'est bien de connaître des
civilisations différentes des nôtres ! C'est plutôt
enrichissant, non ?
GERMAINE Pauvre enfant, elle ne sait pas ce qu'elle dit !
LOUIS Voyons, Germaine ! Sophie n'est plus une enfant, elle a 26
ans tout de même !
GERMAINE Oui, mais elle restera toujours ma fille et tant que je
vivrai, je me ferai du souci pour elle !
Tu peux quand même pas me reprocher ça, non ?
LOUIS Tu te fais déjà assez de souci pour notre petit-fils,
c'est pas bon pour ton cur tout ça !
GERMAINE Valentin et Sophie sont ce que j'ai de plus précieux au
monde ! Tu le sais bien !
LOUIS Ben
et moi alors ?
GERMAINE Toi ? (réfléchissant) Ça dépend des jours !
LOUIS Et de ton humeur !
ANAIS Je ne vous ai pas tout dit
CLAIRE A quel propos, très chère ?
ANAIS Des coupeurs de tête ! (Tout le monde tend l'oreille.)
MARINA Mama mia !
ANAIS Oui, l'homme que j'ai rencontré et qui a été à Bornéo
m'a raconté aussi une chose étrange
CLAIRE Quoi donc ?
ANAIS Je ne sais pas s'il faut le croire, mais il m'a certifié
que c'était la vérité !
GERMAINE Oh, je n'aime pas ça !
SOPHIE Attends de savoir ! Alors
on peut connaître la
suite ?
...
Extrait pris dans l'acte 3 (2ème tableau)
(Les gémissements se font de plus en plus forts. C'est Anaïs
qui reprend ses esprits,
encore cachée par la végétation luxuriante. Elle rampe
jusqu'à Claire.)
ANAIS (gémissant) Hum ! Hum !
Hum ! Hum !
CLAIRE (se retournant et apercevant Anaïs) C'est vous très
chère ! Mais
vous êtes blessée !
(l'aidant à se relever) Que vous est-il donc arrivé ?
ANAIS Merci Claire. Oh! ce n'est pas bien grave ! Je me suis
tordu la cheville en trébuchant
et puis je suis tombée dans les pommes. J'ai eu tellement peur !
Ensuite, je ne me souviens plus de rien !
CLAIRE Peur de quoi ? Il n'y a rien ici ! A part quelques oiseaux
et quelques petits singes dans les arbres
ANAIS Vous vous méprenez ! Cette forêt est immense et des yeux
nous observent !
CLAIRE Des yeux ! Quels yeux ? Je ne vois rien
ANAIS Ils sont là
partout autour de nous ! Nous
espionnant, nous traquant comme une proie facile !
Attendant le bon moment pour
(Elle se tait.)
CLAIRE Mais pour quoi, très chère ? Continuez, vous
m'intéressez !
ANAIS Pour
pour nous sauter dessus !
CLAIRE Vous plaisantez, j'espère !
ANAIS Ah non ! Je ne plaisante pas !
CLAIRE Mais
à qui appartiennent les yeux dont vous parlez
? Il n'y a pas âme qui vive ici !
ANAIS Voyons Claire, c'est tout le contraire ! Cette jungle
recèle un monde que vous ne pouvez imaginer !
Un monde étrange, surnaturel
CLAIRE Surnaturel ? (se moquant presque d'Anaïs) Vous n'êtes
pas en train de rêver plutôt ?
ANAIS Non, je ne rêve pas, vous pouvez me croire ! Vous êtes
venue ici avec un guide, n'est-ce pas ?
CLAIRE Oui, bien entendu.
ANAIS Et ce guide vous a carrément laissé tomber lorsque vous
êtes arrivés un peu en contrebas, au bord du fleuve.
CLAIRE Comment le savez-vous ? (rectifiant) De toute façon, il
ne pouvait pas abandonner son embarcation
ANAIS Cela ne vous a pas semblé bizarre ?
CLAIRE Non, pourquoi ? J'ai pensé que c'était normal
ANAIS Non, ce n'est pas normal, justement ! Aucun guide n'a voulu
s'aventurer jusqu'ici, alors qu'ils ont été
payés pour nous conduire à la mission de Guillaume
Mais
tous nous ont dit de continuer à pied en nous indiquant le
chemin. Aucun n'a voulu prendre le risque de s'enfoncer dans la
jungle ! Et ça
ça veut dire quelque chose, croyez-moi !
CLAIRE Je ne vois toujours pas !
ANAIS Ca veut dire qu'ils ont peur !
CLAIRE Eux aussi ? Ca m'étonnerait ! En tout cas, ils n'en
avaient pas l'air !
ANAIS C'est un leurre
pour ne pas nous paniquer à notre
tour !
CLAIRE Vous croyez ? Ecoutez
j'ai parcouru seule le chemin
menant jusqu'ici et à part des moustiques,
je n'ai eu affaire à personne d'autre !
ANAIS C'est ça la magie ! Ils se cachent pour nous observer en
silence !
CLAIRE Mais qui ?
ANAIS Les indigènes ! Il y a une tribu tout près d'ici ! Leur
village est à peine plus loin
de ce côté-là ! Nous les avons entendu chanter et danser. Mais
ce n'est pas tout !
CLAIRE Ah, bon ?
ANAIS Il y a aussi des orangs-outans ! L' un d'eux m'a fait une
de ces trouilles ! Je me suis évanouie en le voyant !
CLAIRE Un orang-outan
ici ? Vous plaisantez !
ANAIS Absolument pas, je vous assure ! Il y en a un qui rôde
dans les parages ! Peut-être même qu'il y en a plusieurs !
CLAIRE Ça ne me fait pas peur, très chère ! Voyez ! J'ai de
quoi me défendre ! (Elle sort toutes sortes
de choses de son sac à dos.) Une bombe au poivre ! Un couteau
suisse ! Une fusée
pour signaler mon emplacement et aussi des feux
d'artifice
en plus ça fait du bruit !
Une corde ... ça peut toujours servir ! Et enfin
un
pistolet ! Et il est chargé !
(Elle le dirige un peu partout.)
ANAIS Attention où vous le dirigez ! Un accident est vite
arrivé !
CLAIRE Oh, pardon ! (Elle remet tout dans son sac à dos.)
ANAIS J'avais aussi une arme à feu
que Guillaume m'avait
laissée. Malheureusement,
je l'ai perdue par ici et je ne l'ai pas retrouvée.
CLAIRE Cherchons ensemble, si vous voulez ! Vous vous souvenez à
peu près de l'endroit ?
ANAIS (cherchant par terre) Ce devait être à peine plus loin,
il me semble !
Je ne sais plus !
Oh, regardez ! Une grotte ! (Elles s'approchent.)
CLAIRE Oui. Et il y a même une statue de dieu hindou ! C'est
étrange, non ? (Elle s'apprête à la prendre dans ses mains.)
Elle me paraît en bon état ! Je me demande
ANAIS (fort) N'y touchez pas ! On ne sait jamais ! Il ne faut pas
déranger leurs dieux !
CLAIRE (riant) Vous êtes superstitieuse ?
ANAIS Non, prudente, tout simplement ! Chut !
Vous avez
entendu ?
CLAIRE Quoi ?
ANAIS Ce bruit
là ! Comme un froissement de feuilles !
Vite, cachons-nous ! (Elles se cachent.
C'est Honoré qui revient à pas de loup.)
Mais
c'est Honoré ! (Elle sort de sa cachette.) Honoré !
Mais où étais-tu donc passé !
HONORE Honoré faire tour de magie quand soudain
(exagérant) un énorme singe tombé du ciel est venu pour se
battre avec moi !
(mentant) Mais Honoré vaillant combattant, peur de rien !
ANAIS Han ! L'orang-outan ! Tu l'as vu, toi aussi ?
HONORE Oui ! Et je l'ai mis k.-o. ! Désormais, il va se tenir
tranquille, foi de Honoré !
CLAIRE C'était donc vrai ?
ANAIS Vous me croyez, maintenant ?
CLAIRE Oui, mais cela ne me fait pas peur ! J'ai mon
(Elle
fait mine de sortir son pistolet de son sac à dos.)
ANAIS (lui coupant la parole) Ah non ! Pas ça !
(Pendant ce temps, Honoré s'approche de la grotte et de la
statue
)
HONORE Honoré encore jamais vu une statue comme ça ! Je vais la
prendre, elle peut me rapporter beaucoup d'argent !
(Il la prend dans ses mains et la soulève
)
ANAIS Non, non, Honoré ! Ne fais pas ça ! Ne touche à rien
surtout !
(Honoré repose la statue, mais c'est trop tard. Au même moment,
un vent se
met à souffler depuis la grotte, doublé d'un long cri strident
ou d'un bruit
étrange, vent qui les projette tous les trois à terre. Panique
générale !
Magie
Mystère
On vit un vrai dilemme ! Nos trois
amis sont morts de trouille et avant qu'ils n'aient le temps de
se
relever, on entend, du fond de la grotte, un gros rire gras et
moqueur, comme un monstre.
HONORE Matata ! Matata ! Esprit maléfique fâché ! Sortir de sa
cachette ! Oh là, là !
ANAIS (tremblant de tous ses membres) Re
.. re
restons groupés !
CLAIRE Oui, vous avez raison ! (Ils restent tous par terre, mais
se rapprochent les uns des autres, assis, n'osant plus bouger.)
(Puis, on entend un énorme bruit, comme un bruit de tonnerre et
soudain c'est le noir. Pendant le noir,
les rires reprennent accompagnés de bruits bizarres qui font
peur. Une main inconnue attache nos trois amis ensemble
avec une corde.
Ensuite, la lumière revient, mais uniquement sur la statue du
dieu hindou. Une voix s'élève du fond de la grotte.
...